Résumé:
Face aux mutations du travail hospitalier, en particulier des dynamiques collectives à l’œuvre lors de la gestion de situations critiques, il est nécessaire de disposer d’une compréhension renouvelée des processus d’interaction et de coordination dans l’activité. Tant ce qui fait sens pour les professionnels, que les contraintes auxquelles ils sont exposés, méritent d’être pleinement intégré en formation. Or, jusqu’à présent les processus de travail étaient décrits en fonction des tâches des opérateurs, selon une approche normative. La revue de littérature visait à caractériser les facteurs facilitants et faisant obstacles lors de l’activité de gestion des situations de détérioration clinique du patient. Ces situations apparaissent sensibles pour la sécurité des patients tout en étant porteuse d’un potentiel d’apprentissages “techniques” et “non techniques”. Elles vont perturber l’activité planifiée, générer de l’incertitude, éprouver voire révéler les compétences. Ce type de prise en charge est influencée par de nombreux facteurs, en particulier les pratiques de travail en équipe, les perceptions des rôles et responsabilités des acteurs impliqués, le recours à des protocoles ; mais également l’expérience, la formation, la supervision. Compte tenu de la variabilité de survenue de ces événements en pratique réelle et de la disponibilité d’une littérature abondante au niveau international, l’option retenue a consisté à réaliser une revue systématique de la littérature. La méthodologie repose sur une analyse de contenu thématique (Paille? & Mucchielli, 2012). Dix-sept études sur une période de 10 ans et issus de 9 pays ont été abordés selon le modèle d’analyse systémique des incidents cliniques (Taylor-Adams & Vincent, 2004). Les résultats de cette revue montrent que les interactions sociales lors de la gestion interprofessionnelle des situations de détérioration clinique sont centrales dans la conduite de ce type d’activité. Elles apparaissent comme déterminantes en matière de qualité des prestations de soins fournies et de maintien de la sécurité du patient. « Sous pression » sur les plans temporels et cognitifs, les professionnels font face à une double épreuve : d’une part celle que traverse le patient dans son rapport à la santé, d’autre part la mise à l’épreuve de leurs propres compétences qu’il s’agit de combiner collectivement en fonction des potentialités de chacun et des conditions singulières du moment de la prise en soins. Cette revue aboutit sur une modélisation de 4 processus d’actions interdépendants qui se déploient concomitamment, compte tenu du caractère dynamique de ces situations. Mis en œuvre individuellement puis conjointement, ces processus intègrent l’évaluation et la sollicitation de ressources mais également le fait de les articuler et de composer avec les facteurs humains et organisationnels. Ce modèle invite à s’engager davantage dans une approche interactionnelle du travail et non seulement procédurière. Il a vocation à être mobilisé lors de l’analyse des situations de travail, en particulier lors des formations basées sur l’apprentissage expérientiel.