Résumé:
Ce rapport présente les résultats de l’évaluation de l’aptitude de différentes approches analytique pour le dimensionnement à l’état-limite ultime (ELU) d’un renforcement à la flexion des dalles de roulement des ponts-routiers avec du béton armé aux textiles (béton textile, BT). Le BT est un matériau composite qui combine la résistance à la traction élevée des fibres des textiles avec l’adhérence et les protections mécaniques et thermiques fournies par des bétons à petits granulats, c.à.d. des mortiers à base de ciment. En plus d'être utilisé dans la fabrication de nouveaux éléments en BT, ce matériau peut également être utilisé en tant que couches de renforcement d’éléments en béton armé (BA) existants. Les textiles les plus populaires utilisées dans ce type d'application se composent de fibres de carbone, de basalte, de verre et de PBO (polyphénylène-2,6-benzobisoxazole, alias « Zylon »). Après leur production, ces fibres sont regroupées en fils très résistants à l'aide de résine. Ces fils sont ensuite tissés en textiles, normalement en forme de grilles. Pour le renforcement à la flexion d’éléments BA existants, la préparation du support joue un rôle crucial. Afin d'assurer un comportement monolithique à l'interface, il doit être rendu rugueux par l’hydrodémolition avant d'appliquer le système de renforcement. Une fois ce processus terminé, la première couche de mortier peut être appliquée, normalement par giclement à voie sèche ou humide, suivie par des couches successives de textile-mortier jusqu'à ce que le niveau de renforcement souhaité soit atteint. En plus d'offrir un enrobage supplémentaire à l’armature en acier dans un élément BA existant, le mortier joue un rôle structural important pour l’ancrage des textiles au bord de la zone fonctionnelle. L'ancrage par adhérence a été étudié à travers d’une campagne expérimentale qui a permis de compléter des données expérimentales de la littérature et de calibrer une série de paramètres d’un modèle théorique précédemment développé. L’étude s'est conclue par la proposition d’une approche analytique pour le calcul de la résistance d'ancrage des fils des textiles noyés dans le mortier. Des détails concernant cette proposition et l’étude expérimentale figurent aussi dans le présent rapport. Afin d’identifier une approche théorique appropriée pour le dimensionnement du BT en tant que renforcement à la flexion des dalles unidirectionnelles, une base de données de résultats expérimentaux a été créée en rassemblant des données de la littérature existante. Elle contient les résultats d’environ 150 expériences sur des éléments renforcés et non renforcés de référence. Chaque entrée couvre 58 paramètres relatifs à la configuration de test, la géométrie des sections, les propriétés des matériaux et les résultats expérimentaux. Dans un premier temps, ces données ont été évaluées empiriquement pour déterminer statistiquement le type de matériel de textile utilisé, les types de défaillances observés et l'augmentation de la résistance à la flexion. Cette dernière est augmentée, à la moyenne et indépendamment du matériau de textile, de 20-25% par couche de textile. Différentes approches analytiques ont été ensuite appliquées afin de tester leur adéquation, en comparant la résistance à la flexion théorique avec les résultats expérimentaux. Une première approche considère l’adhérence du textile à la matrice comme rigide et a pour résultat une forte surestimation de la résistance réelle à la flexion avec un grand coefficient de variation (COV) encore. Ce que justifie l’introduction des coefficients de réduction de la rigidité axiale des textiles, comme aussi postulé dans la littérature, qui résident dans les particularités du comportement à l’adhérence à l’interne des textiles mais aussi avec le mortier qui les enrobe. La seconde approche appliquée va donc vers l'autre extrême, en considérant qu'il n'y a pas d’adhérence entre le textile et la matrice mais que le textile est ancré à l'extrémité de l’élément par le mortier. Cette approche donne des résultats conservateurs de la résistance théorique à la flexion mais n’est pas non plus considérée comme satisfaisante, en raison du COV élevé. Les troisième et quatrième approches appliquées cherchent à identifier des coefficients de frottement respectivement des coefficients d’adhérence entre le textile et la matrice mais, en raison de leur inapplicabilité pour les configurations de flexion 3 points et des COV élevés, ces approches ont aussi été abandonnées. Enfin, une méthode analytique est retenue, qui introduit des déformations-limites à la traction par flexion pour les textiles pendant que l’armature en acier existante est en écoulement, en s’orientant ainsi à des approches provenant des lamelles en polymère renforcées par fibres collées. Grâce à la calibration raffinée de ces limites, une moyenne de 1 du rapport entre les résultats expérimentaux et théoriques et le COV le plus bas de toutes les approches évaluées sont obtenus. Cette approche a l’avantage d’être bien orienté vers la pratique. Le désavantage est que le mode de rupture prépondérant ainsi n’est pas explicitement décrit par cette vérification. Dans les essais, on observe normalement des ruptures de l’ancrage ou de délamination des textiles qui sont plutôt liés, les deux, à une sollicitation à l’effort tranchant qu’à la flexion. Ainsi, il est recommandé de compléter le dimensionnement à la flexion par déformations-limites avec la vérification de l’ancrage des textiles dans la zone théoriquement non-fissurée (en analogie avec la SIA 166). Ce rapport présente aussi un modèle de dimensionnement pour la vérification de l’ancrage des textiles qui montre une bonne concordance avec des résultats expérimentaux et des COV satisfaisants. En plus, il démontre que la résistance de l’ancrage est limitée et que la résistance à la traction des textiles ne peut normalement pas être exploitée. Pour le dimensionnement pratique avec les déformations-limites, il y a besoin d’identifier des valeurs de dimensionnement qui se basent, à leur tour, sur des valeurs caractéristiques. Des déformations-limites pour ces derniers ne peuvent pratiquement être recommandées qu’uniquement pour les textiles en fibre de carbone ou de PBO car trop peu de données étaient disponibles pour les textiles en fibre de verre et de basalte. Le béton armé aux textiles ou le béton textile représente une méthode viable pour renforcer les éléments structuraux existants en béton armé à la flexion. Les avantages principaux de cette méthode de renforcement sont la facilité d'application sur le chantier, qui implique des outils déjà utilisés, ainsi qu’une meilleure résistance au feu en comparaison avec des solutions utilisant des armatures collées. L'incidence potentielle du renforcement à la flexion avec du béton textile sur la résistance au cisaillement ou à la fatigue ainsi que sur le comportement à l’état de service des dalles de roulement n'a pas pu être évalué en raison de l’indisponibilité de données dans la littérature. Des recherches sur cet effet sont clairement souhaitable, portant, en particulier, sur des essais en grandeur réaliste avec des renforcements aux textiles en basalte et en PBO et sur des situations plus générales (taux d’armature en acier plus élevés, autres élancements des dalles etc.). Ainsi, des déformations-limites pour ces matériaux peuvent être établies et des sections de contrôle peuvent être identifiées plus précisément. Les effets des renforcement textile seront bien probablement affectés par l’influence de l’adhérence entre textile et mortier sur le comportement de l’élément renforcé où des recherches supplémentaires devraient aussi être effectuées. Une attention particulière devrait être prêtée à l’évaluation de l’efficience de trois couches de textiles et plus, à identifier par des essais d’ancrage à longueur variable et par des essais à la flexion en grandeur réaliste. Ces résultats, en combinaison avec des réflexions théoriques ultérieures devraient permettre de décrire le comportement des textiles et leur adhérence. Une perte potentielle de la capacité du renforcement en béton textile due à la sollicitation par des charges de fatigue serait un autre sujet important à étudier. Pour ces deux sujets, le modèle d’adhérence décrit dans ce rapport peut servir comme base. Enfin, les résultats de toutes ces évaluations devraient de refléter dans des directives normatives (p.ex. par une révision de la SIA 166). Ceci nécessitera, en plus, la dérivation et l’identification des valeurs caractéristiques, des coefficients de conversion et des facteurs des sécurité des matériaux.