Résumé:
Dans la cadre d’observations exploratoires menées en vue d’une recherche portant sur la question de la professionnalité en institution, nous avons assisté à des séances de supervisions de groupe effectuées auprès d’un centre de détention pour mineurs à vocation socio-éducative. L’objectif de ces supervisions était de faire réfléchir collectivement les différent?e?s professionnel?le?s de l’institution en question à des situations problématiques amenées par un?e participant?e, au moyen de la méthode de la sculpture. L’observation de cette démarche, décrite comme une supervision individuelle en groupe par ses animateurs et animatrices, visait la documentation des pratiques et l’opérationnalisation d’un concept socio-pédagogique pour l’institution.
Par définition, toute supervision a pour principe d’améliorer les compétences professionnelles au travers d’une réflexion approfondie sur le fonctionnement professionnel à partir de situations concrètes amenées par les supervisé?e?s. Intégrant des aspects cognitifs, relationnels, émotionnels et corporels (De Jonckheere & Monnier, 1996), cette méthode favorise l’intégration non seulement de l’expérience, mais aussi d’apports théoriques (ARS, 2012). En effet, la supervision peut être considérée comme « une technique d'apprentissage du travail ». (Lajoie, 1985, p. 107).
Notre questionnement porte sur les savoirs émergents de cette pratique de supervision individuelle collective, où le groupe de pairs apparaît comme une communauté de praticiens (Michelot, 2011) mettant en commun connaissances et expériences pour trouver une solution à une situation-problème portée par un individu. Dans ce cadre, les superviseurs, en tant que personnes extérieures à la structure, ont pour rôle de favoriser l’émergence et la circularisation des informations dans le groupe, menant à une co-construction de solutions possibles et à la mise en place d’objectifs concrets pour la personne ayant présenté une situation-problème. La démarche proposée s’intégrait dans une approche systémique centrée sur les solutions (Soubeyrand, 2004). Ainsi, au travers d’illustrations concrètes tirées de nos observations sur le terrain, il s’agira pour nous de tenter de comprendre la place du savoir et de sa transmission dans ces groupes de supervision de professionnel?le?s du travail social (éducation, action socioprofessionnelle, service social, etc.).
Pour ce faire, nous orienterons notre réflexion sur les avantages et inconvénients d’une telle méthodologie, en abordant deux aspects.
Le premier portera sur les enjeux présents sur les plans individuel, groupal et institutionnel. En effet, la pratique dont il est question ici oscille entre supervision personnelle (dire sa souffrance et ses difficultés au travail, trouver des solutions à un problème), supervision d’équipe (amélioration des relations entre collègues) et intervention institutionnelle (changements organisationnels, moyen de traiter la souffrance au travail). Nous discuterons notamment des similitudes avec d’autres méthodes proches de la supervision, à savoir l’analyse de pratiques, l’analyse de l’activité et l’étude et la résolution de problème (voir Giust-Desprairies, 2011 ; Lecomte, 2011 ; Michelot, 2011).
Le deuxième aspect se focalisera sur la méthode de la sculpture qui met l’accent sur le non verbal et la métaphore (Hanot, 2011). Nous réfléchirons sur la manière dont cette méthode, par la suppression du rôle prédominant de la parole et par la forte mobilisation du corps et de l’émotion, pallie à certaines difficultés de la supervision en groupe classique, mais à la fois en engendre de nouvelles.
En discutant les apports et les limites de cette forme de supervision utilisant la sculpture comme support de réflexions et vecteur de solutions, dans un contexte institutionnel concret, nous souhaitons non seulement mettre en évidence une manière novatrice de produire et de transmettre des savoirs, mais également relever les questionnements qu’elle suscite.