Résumé:
Malgré ce que le nom de l’instrument pourrait laisser entendre, le cor anglais est vraisemblablement introduit à Paris par des musiciens d’origine italienne à la fin du XVIIIe siècle. Giuseppe Caffro ou Alessandro Ferlendis se rendent en effet dans la capitale française où ils se produisent dans des airs avec cor anglais concertant et attisent la curiosité pour cet instrument encore largement méconnu en France. Le mouvement ainsi amorcé se poursuit au Théâtre-Italien, ouvert à Paris en 1801, avec les premières représentations parisiennes d’opéras de Giovanni Paisiello, Ferdinando Paër ou encore Niccolò Antonio Zingarelli faisant la part belle à l’instrument. Gustave Vogt, hautboïste au Théâtre-Italien puis à l’Opéra, bientôt professeur au Conservatoire de Paris, s’illustre dans les solos de cor anglais écrits par les compositeurs italiens et contribue au succès que connaît peu à peu l’instrument à Paris[1].
Le timbre spécifique du cor anglais séduit le public parisien et suscite l’intérêt des musiciens français : une première méthode spécifiquement dédiée à l’instrument est publiée par Frédéric Chalon dans les années 1801-1802 et Guillaume Triébert devient le premier facteur d’instrument parisien à développer un cor anglais dans les années 1810. Outre des parties qu’ils réservent à l’instrument dans des ballets ou des opéras, de nombreux compositeurs français écrivent également pour l’instrument dans un rôle soliste : André-Frédéric Eler, Louis Jadin, Anton Reicha et bien sûr Vogt lui-même qui composera de nombreuses pièces pour le cor anglais.
Le cor anglais supplée progressivement d’autres instruments similaires dont l’existence antérieure est attestée à Paris comme la taille de hautbois ou le hautbois de forêt. Encore qualifié en 1802 par la Gazette nationale ou Le Moniteur universel de « peu connu », l’instrument connaît dans les années suivantes une vogue certaine sur les scènes parisiennes, étant même joué par le duc de Berry, fils cadet du roi Charles X.
L’histoire des premières années du cor anglais à Paris reste encore à faire, souvent à peine esquissée dans des travaux sur le hautbois[2]. Si la bibliographie consacrée au cor anglais est en effet bien modeste[3], les récents travaux de grande ampleur menés autour de la musique romantique française du début du XIXe siècle[4] ainsi que l’étude de nouvelles sources musicales issues des collections du département de la musique de la Bibliothèque nationale de France devraient permettre de préciser les contours de l’apparition de l’instrument sur les scènes parisiennes.
Cette communication qui s’inscrit dans le cadre du projet de recherche IREVOGT consacré à Gustave Vogt et mené en partenariat entre l’HEMU de Lausanne, le Conservatoire de Paris et la Bibliothèque nationale de France correspond au point suivant de la conférence :
- New sonorities and instrument development
[1] Geoffrey Burgess, “ The Premier Oboist of Europe”. A Portrait of Gustave Vogt, Lanham, Maryland and Oxford, The Scarecrow Press, 2003.
[2] Geoffrey Burgess, Bruce Haynes, The Oboe, The Yale Musical Instrument Series, New Haven, London, Yale University Press, 2004; Florence Badol-Bertrand , Évolution de la pratique du hautbois à Paris de la fin du règne de Louis XV à la fin du Premier Empire, thèse de doctorat du CNSMDP et de l’Université de Tours, 1996 ; François Fleurot, Le hautbois dans la musique française 1600-1800, Paris, Picard, 1984.
[3] Florence Badol-Bertrand, « L’adoption du cor anglais à Paris au tournant du XIXe siècle. Un souffle nouveau sur le pupitre de hautbois », in Revue musicale de Suisse romande, no 1, mars 2013, p. 18-39.
[4] Jana Franková, François-Pierre Goy, éd., Antoine Reicha redécouvert : Catalogue de l'exposition = Antonín Rejcha znovunalezený: Katalog výstavy, Brno, Moravská zemská knihovna, 2021; Jean Mongrédien, Le Théâtre-Italien de Paris (1801-1831). Chronologie et documents, 8 vol., Lyon, Symétrie, 2008.