Summary:
Une des problématiques soulevées par les représentants de la DGS et de l’ASI en 2021 concerne le manque de reconnaissance des compétences et des responsabilités assumées par les infirmières et les infirmiers dans le système de santé par l’ensemble des autres parties prenantes de ce système et la population générale. Le personnel infirmier déclare en effet assumer des charges de travail importantes en déployant une combinaison singulière et complexe de ressources pour agir en situation professionnelle. Paradoxalement, son sentiment est que tant le spectre des responsabilités assumées que l’étendue des compétences mises à disposition de la santé de la population ne sont pas ou très peu visibles, et donc peu valorisées socialement ou économiquement. En s’appuyant sur de nombreux travaux scientifiques, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Conseil international des infirmières (CII) rappellent pourtant que la reconnaissance professionnelle des compétences et des responsabilités précieuses assumées par le personnel infirmier est un puissant facteur de recrutement, de maintien dans la carrière et d’émancipation professionnelle. De plus, cette reconnaissance offrirait aux systèmes de santé des ressources et des idées pour innover et faire face aux nombreux défis socio-sanitaires à venir. Enfin, que les membres de cette profession soient officiellement imputables de l’ensemble de leurs décisions favoriserait le développement de la qualité des soins à la population.
RECORE a donc visé les buts suivants :
- Dresser un état des connaissances permettant d'identifier les raisons expliquant le manque de reconnaissance des compétences et responsabilités du personnel infirmier par les autres acteurs du système de santé (cliniciens, managers, décideurs, …) et la population générale.
- Identifier et caractériser des moyens de mieux faire reconnaître les compétences et responsabilités infirmières par les autres acteurs du système de santé (cliniciens, managers, décideurs, …) et la population générale.
Une revue de portée (scoping review) a donc été conduite entre 2023 et 2024 dans diverses bases de données du domaine de la santé et du management. Après un processus de sélection rigoureux, 24 articles ont été retenus pour disposer d’explications et 27 qui proposaient des mesures.
Les explications à propos du manque de reconnaissance ont été classées en deux grands groupes : celles qui ne dépendant pas directement du personnel infirmier, appelées « raisons externes » à la profession et celles sur lesquelles le personnel infirmier a une influence directe, à savoir les « raisons internes ».
Les raisons externes suivantes sont mentionnées :
- Des stéréotypes tenaces sur les soins infirmiers, à savoir une activité professionnelle doublement genrée (nature du travail et genre des personnes qui l’exercent) et une activité exclusivement médico-déléguée.
- Un traitement médiatique disqualifiant contribuant au maintien des stéréotypes sur la profession et à son invisibilité.
- Une ignorance générale de la nature exacte de l’ensemble des composantes de l’activité infirmière.
- L’absence de registre professionnel.
Les raisons internes expliquant le manque de reconnaissance sont pour certaines assez proches des externes.
- La reproduction des stéréotypes sur la profession par les infirmières elles-mêmes du fait de leur socialisation primaire et secondaire.
- Une maîtrise partielle des contenus et méthodes disciplinaires qui entrave l’explicitation précise des dimensions de la pratique infirmière et des fonctions possiblement exerçables en clinique.
Les recommandations sont donc sur le plan externe de :
- Veiller à la pleine existence politico-administrative de la profession et à son actualisation régulière.
- Adapter les conditions de travail et d’emploi.
- Soutenir le développement professionnel du personnel infirmier.
Les sources consultées mettent aussi bien en évidence la responsabilité de la profession infirmière pour œuvrer à des changements. Sur le plan interne, les mesures sont réparties autour de cinq grandes thématiques :
- Développer des campagnes de recrutement qui ne renforcent pas les stéréotypes sur la profession et former le futur personnel infirmier à comprendre leur ancrage et à s’en distancer.
- Incarner les codes du professionnalisme, savoir parler de la profession de manière différenciée et précise, en incluant des évidences de qualité et s’entendre sur la pratique infirmière avancée.
- Savoir communiquer sur la profession et ses évolutions.
- Développer et porter haut une image de marque, de manière homogène et concertée par toutes les personnes actives dans les différents domaines d’exercice de la profession.
- Promouvoir de toute urgence des formations de base et continues avec les médecins.
Ce rapport se termine par la discussion de trois points : 1) Faire connaitre et valoriser la profession infirmière dans sa complexité et ses évolutions ; 2) Former les professionnelles aux codes du professionnalisme et à prendre position ; 3) Equilibrer les relations de pouvoir entre professions médicale et infirmière.
Il est rappelé qu’un certain nombre de mesures ont déjà été prises, mais qu’elles mériteraient d’être discutées, articulées et portées par l’ensemble des personnels infirmiers quels que soient leur domaine d’exercice professionnel (ex : en clinique, dans l’enseignement, la recherche, le management ou la défense des intérêts de la profession) en collaboration avec d’autres instances. A cet effet, des états généraux des soins infirmiers pourraient être organisés, puis déboucher sur des projets d’implantation de mesures.