Résumé:
Le 29 juin 1980, un jeune homme est retrouvé mort dans sa chambre à la Clinique psychiatrique universitaire de Bel-Air. Il a été interné deux semaines plus tôt, placé en chambre d’isolement et mis contre son gré en cure de sommeil sur décision du directeur. Son décès génère une indignation collective d’autant plus vive qu’il est un fondateur de l’Association de défense des droits des usagers de la psychiatrie (Adupsy). Avec ses ami·e·s militant·e·s, il était engagé dans le débat autour de la révision de loi cantonale en matière d’internement. L’Adupsy militait en faveur de l’abrogation des mesures d’internement, de l’inscription dans la loi de nouveaux droits pour les patient·e·s en matière de traitements et de participation à la recherche. Rassemblements, manifestations, tracts, conférences de presse, missives adressées aux rédactions de journaux et lettres ouvertes de personnalités ont donné lieu à un bouillonnement médiatique dépassant les frontières cantonales. Cet événement a profondément ébranlé la psychiatrie institutionnelle genevoise et généré une crise inédite qui a entraîné la destitution du médecin responsable de l’Hôpital, une réforme politique, et une enquête pénale.
Basé sur des documents d’archives militantes et d’institutions politiques, sur des articles de presse, des publications et des entretiens avec des témoins historiques, ce travail propose une historicisation de l’événement du décès du jeune homme et de la crise de la psychiatrie institutionnelle des années 1980 à Genève. Dans une perspective d’histoire politique, il retrace, à l’échelle micro, l’émergence de critiques, la formation de groupements militants, la mise en place d’actions et de mobilisations antérieures à cette crise pour éclairer sa densité historique et la rendre intelligible. Cette thèse analyse les controverses psychiatriques à Genève dès la naissance des premiers collectifs critiques jusqu’au terme de la procédure pénale ouverte à la suite du décès du jeune homme (1972–1989).