Résumé:
Fondée en 2013, l ’Association Capitale culturelle suisse aspire à reproduire en Suisse le programme des Capitales européennes de la culture. Souhaitant évaluer la pertinence de ce projet, elle a approché l’Institut du Management des Villes et du Territoire (IMVT) de la Haute école de gestion Arc à Neuchâtel, qui a obtenu un financement de la Haute École spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO) pour développer cette idée. La réflexion s’engage par une revue de littérature qui s’intéresse aux liens entre économie postindustrielle et culture. Dans une économie où le savoir tend à occuper une place de plus en plus importante, les territoires rivalisent pour attirer les individus créatifs, moteurs de la nouvelle économie, dont l’engagement par projet rappelle par ailleurs la précarité de l’emploi qui existe de longue date dans les milieux culturels. Cette recherche d’attractivité encourage les responsables politiques à accorder une attention croissante à la culture dans le marketing territorial . Ainsi, inspirés par le Guggenheim effect et par des études attestant des retombées économiques de la culture, ces décideurs cherchent à requalifier des espaces que l’économie industrielle aurait laissés en veille. Ce modèle décliné à l’envi depuis une vingtaine d’années atteint pourtant ses limites. Certains échecs montrent en effet que la créativité ne s’importe pas, mais qu’elle naît de situations complexes et difficilement reproductibles . En outre, les projets de rénovation urbaine à l’aide de la culture peuvent parfois s’accompagner d’effets indésirables ( ségrégation spatiale, dilapidation d’argent public, dévoiement de la culture, etc.). Pour éviter les aspects négatifs de telles stratégies, il s’agit de prendre en compte le terreau local et d’adopter une vision à long terme. Ce contexte explique la réussite du programme des Capitales européennes de la culture. Ayant évolué d’une approche évènementielle vers une démarche processuelle , cette action connaît en effet un succès croissant qu’elle doit à ses impacts potentiels sur des territoires en recherche d’attractivité (effets sur la notoriété et sur l’ image, impacts économiques, amélioration de la cohésion sociale, catalyseur de processus de requalification urbaine, etc.). Cette réussite inspire : une quinzaine d’actions similaires – concernant plus de 160 pays – ont vu le jour à travers la planète. Le projet de l’Association Capitale culturelle suisse relève de la même inspiration ; afin d’ envisager sa mise en œuvre et d’ évaluer son impact potentiel sur les territoires, une importante recherche documentaire a été effectuée et quinze entre tiens semi -directifs ont été réalisés avec des personnalités du monde de la culture et de la politique . Ce travail révèle un intérêt marqué pour l’idée que porte l’association, surtout de la part des participants actifs au sein d’administrations municipales. Pour ces derniers, cette action pourrait pallier un manque que les Expositions nationales, aussi rares qu’exigeantes, ne comblent pas. Toutefois, la grande majorité des répondants a estimé que le projet de l’association devait être remanié pour aboutir. La première partie de l ’analyse s’y attèle et formule notamment les propositions suivantes : des objectifs plaçant la culture au centre, mais soucieux du développement à long terme des territoires ; un financement ne reposant plus seulement sur la Confédération, mais principalement sur les territoires hôtes ; une participation publique dans la conduite du projet pour garantir sa pérennité ; un modèle quadriennal ouvert aux 173 vill es et communes urbaines du pays, mais à l a condition qu’elles possèdent les capacités d’accueil adéquates et qu’elles réunissent le budget minimum exigé par les statuts ; et, vu la nature différente des deux concepts, le développement du programme en parallèle (et non à la place) des Expositions nationales . La deuxième partie de l’analyse évalue les impacts potentiels de la création d’une telle action sur les territoires hôtes . S’ils peuvent se révéler nombreux – économie, image, infrastructures, cohésion sociale, gouvernance, offre culturelle, etc. – , ils dépendent cependant de deux facteurs -clés de réussite, identifiés à l’aide du cadre théorique : l’élaboration d’une stratégie à long terme et la prise en compte du terreau local.