Summary:
A tous ceux qui écrivent en français sans appartenir à la nation française, l’institution littéraire rappelle, de façon parfois violente, que la littérature est une expression nationale. Les écrivains francophones ont la langue française en partage, mais ce partage n’est le plus souvent reconnu que par exotisme, folklorisme, créant des sous-ensembles touristiques de la littérature française. Cette ambivalence, les écrivains algériens en ont fait et continuent d’en faire l’expérience jusqu’au paroxysme. Parce que, à la différence de la Côte d’Ivoire, du Maroc, du Liban, mais aussi du Canada, de la Suisse, de la Belgique, l’Algérie fut française. Suffit-il d’écrire dans la langue de Molière pour être reconnu comme un « écrivain français » ? Ou la littérature entretient-elle, en France, un rapport trop étroit avec la nation pour que ce soit si simple ? Amoureuse de sa langue, la France en est aussi jalouse. Pour tous ceux qui l’ont en partage ailleurs dans le monde, elle devient alors un objet de lutte, de quête et de conquête.
Retraçant les carrières de cinq écrivains algériens de langue française (Kateb Yacine, Assia Djebar, Rachid Boudjedra, Kamel Daoud et Boualem Sansal), Kaoutar Harchi révèle qu’en plus de ne s’obtenir qu’au prix d’authentiques épreuves, la reconnaissance littéraire accordée aux écrivains étrangers n’est que rarement pleine et entière. Car si la qualité du style importe, d’autres critères, d’ordre extra-littéraire, jouent un rôle important.
Souvent pensée en termes de talent, de don, de génie, la littérature n’est-elle pas, aussi, une question politique ?